Le début de la décennie 2020 aura été marquée par une succession de crises. À commencer par celle du Covid-19 qui a engendré de nombreux confinements aux quatre coins du globe et qui a eu pour impact d’accentuer une prise de conscience généralisée sur les aspirations personnelles et professionnelles de chacun.
En 2021, chaque trimestre, 500 000 employés ont démissionné en France. Cette vague de départ survenue après l’épidémie de Covid a inquiété bon nombre d’observateurs. Les risques pointés du doigt étaient de voir survenir, au moment de la reprise, une pénurie de main-d’oeuvre.
Si le phénomène aux Etats-Unis a eu un impact significatif et réel sur le marché du travail, la situation en France a largement été commentée, documentée et nuancée. Pour y voir plus clair, nous nous sommes donc posés la question suivante : la Grande Démission est-elle un mythe ou un réalité ?
Phénomène conceptualisé aux États-Unis, la Grande Démission (Great Resignation ou Big Quit) définit un large phénomène de démissions professionnelles qui a commencé outre-Atlantique à partir de juillet 2020, à la suite de la pandémie de Covid-19. Dans de nombreux pays occidentaux, des millions de salariés insatisfaits de leur métier, de leur salaire ou de leurs conditions de travail ont décidé de quitter leur emploi. Particulièrement dans les métiers de la restauration et du commerce. Certains salariés ont même été jusqu’à se filmer pour relayer leurs annonces de démissions sur les réseaux sociaux.
Certains travaux avancent que la pandémie aurait accentué une prise de conscience sur des questions comme le temps, la valeur travail ou encore sur les fonctions exercées au sein de l’économie globale. Aussi, elle aurait eu un impact psychologique non négligeable au sein de ceux exerçant des métiers dits “essentiels”, ou “de première ligne” — ceux qui ont continué à travailler pendant la crise.
En France, la Dares a nuancé le phénomène. Un rapport publié en octobre 2022 montre que les forts taux de démission doivent être mis en perspective des difficultés conjoncturelles de recrutement. Les tensions sur le marché du travail auraient en effet produit une forme d’appel d’air, engendrant ainsi des opportunités pour les salariés déjà en poste. Plus susceptibles de faire « jouer la concurrence », ils sont donc naturellement plus enclins à démissionner. Avec toujours en ligne de mire : une quête de meilleures conditions de travail.
Si tous les secteurs ont enregistré de nombreuses démissions, les métiers considérés comme pénibles ou difficiles ont été les plus durement touchés. Ce phénomène a particulièrement impacté des secteurs déjà en tension : santé, transport, service, restauration, hôtellerie, BTP, personnel de gardiennage et de surveillance, métiers de bouche…
Une enquête sur les salariés de terrain publiée par Skello et BVA à l’automne 2022 confirme cette tendance. Cette population déclare par exemple ressentir un manque de valorisation au sein de leur établissement (51%). Aussi, 72% estiment qu’ils exercent un métier pénible et 78% disent exercer un métier difficile. Résultat, 66% affirment avoir déjà pensé à quitter leur emploi actuel.
Selon la Dares, le taux de démission en France est élevé mais pas inédit. Certes, le taux de démission est à son point le plus élevé depuis la crise financière de 2008-2009 (2,7%). Il reste cependant en-dessous des niveaux d’avant 2008 (2,9%). Les travaux de la Dares expliquent également que les démissions sont un phénomène cyclique. En période de crise, elles augmentent, puis repartent à la baisse en période de reprise. Or, conjugué au phénomène de manque de bras, certains commencent à poser des noms sur ce phénomène : après avoir parlé de “Grande Démission”, certains parlent maintenant de “Grande Pénurie”.
La plupart des employeurs des secteurs de la restauration et de l’hôtellerie sont unanimes à ce propos : Il est impossible de supprimer la pénibilité ou la difficulté, considérées comme inhérentes à ces métiers. En revanche, des leviers sont actionnables pour améliorer l’expérience de travail au quotidien — au-delà de l’augmentation des rémunérations.
En effet, d’après une enquête menée par Skello x BVA, les salariés de terrain déclarent avoir des attentes particulières en termes de valorisation et de reconnaissance. 52% des sondés jugent par exemple qu’ils ne sont pas suffisamment valorisés par leur manager au sein de leur établissement. Ils citent également que les raisons permettant de prévenir d’une éventuelle démission viendrait de davantage de reconnaissance de la part des établissements dans lesquels ils travaillent ou même de valorisation de la part de la société (24%). Ces attentes constituent ainsi des facteurs cruciaux de satisfaction au travail pour fidéliser les collaborateurs.