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Dark Kitchen : l’avis de Nicolas des restaurants Holybelly

Par 
Clélia
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8/2/2024

“Dark Kitchen” : si vous n’en avez pas encore entendu parler, cela ne saurait tarder puisqu’avec le post-confinement, le phénomène prévoit de s’accélérer !

Qu’est-ce que c’est ? Une dark kitchen est un restaurant qui mise sur la livraison, n’ayant pas de “salle” de restaurant à proprement parler. Des chefs ont un lieux où ils cuisinent et des livreurs se chargent ensuite de livrer les repas chez les destinataires. Le restaurant “physique” n’existe donc pas.

Est-ce que les dark kitchen sont l’opportunité n°1 à saisir pour les restaurateurs du monde de demain ?

Découvrez l’avis de Nicolas Alary, Co-fondateur des restaurants Holybelly et client Skello :

Comment décrirais-tu le concept des Dark Kitchen, que représente-t-il à tes yeux ?

“D’après ce que j’ai compris, les Dark Kitchen sont des endroits qui sont souvent en dehors de Paris (il y en aussi dans Paris mais souvent l’intérêt est d’être à l’extérieur, là où l’immobilier et le mètre carré sont moins chers), ayant des cuisines de type pro, industrielles sans être forcément “sur rue”. L’avantage c’est d’être n’importe où pour payer moins cher. De ces cuisines là, l’idée est de produire à manger et faire directement de la vente à emporter.

D’après moi, il y a deux types de Dark Kitchen :

  • Un restaurant monté en parallèle d’un restaurant “classique” avec des tables, uniquement pour la vente à emporter : les cuisiniers, le staff et les recettes sont propres au restaurant d’origine, auxquels on ajoute un projet de Dark Kitchen.
  • Un nouveau concept un petit peu plus déroutant, des “Dark Kitchen” dans lesquelles on investit beaucoup : un groupe investit par exemple dans de l’immobilier en banlieu et construit des cuisines pro. Les restaurants peuvent lui fournir leurs recettes et de l’autre côté, eux s’occupent de trouver les cuisiniers, le matériel et ainsi, les restaurants concernés se retrouvent sur uber, deliveroo, etc. Cela part en commande à emporter dans tout Paris : les gens pensent que c’est Holybelly ou un autre restaurant alors que ça ne l’est pas !”

Ce que ça représente à tes yeux ?

“Une grande tristesse, et vraiment j’espère que ce n’est pas du tout le futur de la restauration. Pour moi, ça n’a rien à voir avec la restauration, c’est du service, de l’industrie de service. C’est à la même enseigne que le sandwich en triangle d’autoroute, c’est de la nourriture mais c’est un concept basé sur l’économie d’échelle. À mon avis, il s’agit de production la moins chère possible pour faire de l’économie de masse.

Et ça me rend profondément triste.”

Tu es donc contre le phénomène des Dark Kitchen et ne souhaites pas l’appliquer à ton restaurant, pour quelle raison ?

“Il y a tellement de raisons : c’est juste à 180 degrés de ce qui m’intéresse dans ce métier. On n’ouvre pas un restaurant juste pour faire à manger, on l’ouvre car on a envie de recevoir les gens, de leur faire vivre un moment ou une expérience. Ça passe par le service, la musique, le lieu et aussi le propriétaire qui peut être présent et passer dire bonjour aux habitués… Je vois comme cela la restauration : un ensemble, un tout.

Extraire dix recettes de Holybelly et les plugger sur une plateforme en ligne sans coeur, sans âme, sans rien : non ! Les experts disent qu’on tend vers ce concept et que c’est le futur : selon moi, c’est une bulle qui va péter, les gens n’auront pas envie de ça. Au bout d’un moment, il y aura certainement une courbe de croissance, un engouement mais ça va finir par exploser car ça repose sur de mauvaises idées, de mauvais produits, de mauvaises pratiques.”

Quels sont les désavantages concrets de ce concept côté restaurateurs et côté clients ?

“Pour le restaurateur, c’est vendre son âme au diable ! J’appellerais cela un abus de confiance : c’est tout simplement dire “ voilà, je suis Holybelly, faites moi confiance, c’est moi qui fait à manger” alors que ce n’est pas le cas. Donc le point négatif pour l’entrepreneur, c’est d’accrocher son image et d’associer son travail à quelque chose bas de gamme et discount. Moi, je trouve qu’il y a une autre tendance, un autre futur : la qualité ! Les gens veulent bien manger, savoir ce qu’ils mangent et sont prêts à payer un peu plus cher pour manger bien.

Côté clients, le désavantage est de ne pas savoir ce qu’ils mangent. Pour moi, le nom même de “Dark Kitchen” est parlant. Nous sommes dans l’époque de la lumière, surtout quand on parle de nourriture et d’endroits qui se doivent d’être nickels au niveau sanitaire. Le client veut savoir tout ce qu’il se passe dans le restaurant et non pas que le restaurant soit dans l’ombre ! Donc le nom de Dark Kitchen, c’est déjà se tirer dans le pied et ça montre la vraie motivation qu’il y a derrière : faire beaucoup d’argent, derrière des murs très opaques, en tirant sur tous les coûts : masse salariale, produits utilisés… Ce n’est pas fait pour rendre service à qui que ce soit !”

Comment vois-tu la réouverture des restaurants en France et pour quelles options comptes-tu opter pour la reprise de Holybelly ?

“Ça ne sert à rien de spéculer sur la réouverture des restaurants en France puisque de toute façon, on va avoir une annonce à la fin du mois de mai. Tout le monde y va de son petit commentaire, mais on peut continuer à se fatiguer à imaginer ce qui va se passer ou plutôt attendre de voir ce qui va être annoncé.

On verra, et ce sera le moment de prendre nos décisions : je pense que ça va ressembler plus ou moins à avant, et qu’il y aura une charte de comportements et des règles à respecter. On va mettre l’accent sur le lavage des mains, le port du masque comme dans les transports, la distanciation avec les tables… Je ne pense pas que le gouvernement va opter pour quelque chose de drastique car il ne faut pas oublier que tous les restaurants ne sont pas grands comme Holybelly, il y a aussi des petites structures et si on leur dit qu’il faut 1 mètre entre les tables, ça ne marche plus ! Donc je pense qu’il faut faire confiance aux gens qui réfléchissent à tout ça et si les systèmes sont idiots, il y aura du “push back”. S’ils se donnent le temps jusqu’à la fin du mois de mai, c’est qu’ils espèrent faire les choses correctement et on va essayer d’aller dans ce sens là.

De toute façon, maintenir le chiffre d’affaires, c’est utopique : on ne gagnera plus l’argent qu’on gagnait avant. Il va donc falloir s’adapter et le gouvernement le sait. S’ils disent que le restaurant doit tourner à 50% de sa capacité, ils savent que les charges salariales ne peuvent rester les mêmes ou il n’y aura d’autre choix que des licenciements importants. Mais cette option créerait un taux de chômage global énorme et ce n’est pas une bonne équation pour l’état !

Chez Holybelly, on va changer le minimum : on a pris la décision de ne pas proposer de service de click & collect au déconfinement, contrairement à beaucoup de confrères et de consoeurs. Nous ne nous retrouvons pas dans cette offre : la nourriture Holybelly doit être servie chez holybelly, mangée chez holybelly et on ne pense pas que le fait que ça voyage rende service, ni à nous ni aux gens qui commandent ! On ne veut surtout pas travailler avec des plateformes type Deliveroo ou Ubereats car elles sont dans la prolongation des Dark Kitchen et de cette espèce d’ “uberisation”. Je suis très tech, très geek et pour le futur mais pas à n’importe quel coût !”

La stratégie de Holybelly : attendre, et c’est difficile dans un métier habitué à l’action et à la résolution rapide des problèmes !

Ce que l’on a trouvé de positif, pour ceux qui pensent se lancer :

Les avantages du modèle

👉 Moins de dépenses pour vous : n’ayant pas de local à proprement parler, vous ne devez pas accueillir les personnes ni prendre soin de l’image de votre restaurant : vous n’avez donc pas besoin d’investir autant dans le marketing. À priori, si les plats que vous proposez sont qualitatifs, cela suffira pour que votre clientèle recommande. Vous n’avez pas besoin de “brander” le lieux ni vos employés : vos employés peuvent rester eux-mêmes ! Indirectement, il s’agit donc aussi d’une aubaine pour le recrutement qui en sera facilité.

👉 Plus de flexibilité par rapport à un restaurant traditionnel : vous pouvez réinventer votre modèle constamment s’il ne fonctionne pas, il n’y a pas de “marque” à proprement parler et les possibilités sont donc infinies. Aussi, sans contact direct avec le client, vous gagnez du temps pour être efficace en cuisine et livrer plus rapidement. Éviter le service en salle a aussi l’avantage de réduire le “stress” momentané et ainsi de délivrer des repas qualitatifs.

👉 Possibilité d’élargir et de fidéliser votre clientèle : en Dark Kitchen et en livraison en général, les prix sont moins chers que sur place. Avec ce business model vous avez donc la possibilité de proposer des plats de très bonne qualité pour des prix moindres, ce qui fera “revenir” vos clients. Aussi, tout le monde n’apprécie pas forcément d’aller dans des lieux publics, et certains n’ont parfois pas le temps de se déplacer. Précisons aussi qu’en restaurant, vous aurez toujours tendance à privilégier vos clients présents en salle et à mettre les plats en livraison au second plan.

Un modèle adapté à la situation

La livraison de repas est en plein boom depuis quelques années et elle devient aujourd’hui, depuis l’apparition du covid-19, un passage obligé pour beaucoup de restaurateurs !

Le principe des “Hub Kitchen” est fortement adapté à la situation exceptionnelle actuelle puisqu’elle vous permet d’obtenir un repas de qualité soit :

  • En vous faisant livrer, souvent en passant par des plateformes de livraisons telles que Deliveroo ou UberEats
  • En allant chercher votre repas en le récupérant par une fenêtre ou par une porte, sans vraiment avoir de contact humain

Le concept des Dark Kitchen se donne aussi pour ambition de prouver qu’il est possible de délivrer des repas de qualité tout en les faisant en livraison ou à emporter ! Les deux ont souvent été perçus comme incompatibles puisqu’on a toujours associé livraison et restauration rapide : or il est possible de maintenir les deux. Et quel bonheur serait-il si l’épidémie dure encore longtemps ?

Si les Dark Kitchen apparaissent comme très pratiques et comme l’opportunité parfaitement taillée pour la période, il est évident que le concept présente aussi des désavantages et ne plaise pas à tout le monde !

Amoureux du monde de la restauration et proches des restaurateurs, nous ne pouvons que souligner le côté “froid” des Dark Kitchen. Il s’agit d’un business rentable, impliquant tout de même une perte d’expérience” et de “lien”. Pour les anciens de la restauration et les passionnés, il est difficile d’imaginer un restaurant sans tables, et on le comprend, puisque le socle de la restauration est sa dimension “humaine” : un métier humain, organisé par des humains ! Des humains que l’on ne voit plus vraiment en Dark Kitchen…

Les Dark Kitchen privilégient le résultat et l’adaptabilité plutôt que l’expérience unique; mais à l’heure actuelle, ne seraient-elles parfaitement à l’ordre du jour ?

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